L’autisme, un large spectre aux profils variés
L’inclusion de la diversité est pour moi source de potentiel créatif favorable au développement de l’humanité. Or, la prévalence de l’autisme (1% de la population en 2021) augmente ces dernières années car:
- on a une meilleure connaissance de l’autisme;
- il y a une reconnaissance de profils plus subtils (cf autisme invisible);
- il existe de meilleurs outils permettant de mieux les identifier, d’où l’augmentation de diagnostics.
Personnellement concernée par l’autisme, j’ai accompagné des personnes en transition professionnelle qui avaient reçu un diagnostic de HP (Haut Potentiel), autiste Asperger et/ou TDAH (Troubles de l’Attention avec ou sans Hyperactivité), et/ou un fonctionnement dys- (dyslexique, dyspraxique, etc). L’accompagnement s’est particulièrement bien passé avec ces personnes et leur diagnostic n’était pas marqué sur leur front!
La condition autistique est présente sur un large spectre – incluant le syndrôme d’Asperger –, que l’on peut comparer à un arc-en-ciel aux couleurs variées et aux différences subtiles, parfois tellement subtiles qu’elles ne se voient pas. Ce spectre irait même en continue vers la condition neuro-typique (non-autiste) puisque la frontière avec l’autisme n’existerait pas. En effet, Laurent Mottron nous dit qu’ “il existe une indécision scientifique en ce qui concerne l’autisme.” (cf vidéo “HQI et autisme, similarités et différences”) Autrement dit, on parle en terme de catégorie – autiste ou non-autiste – afin de comprendre et définir l’autisme, alors que la condition autistique serait à représenter sous une forme dimensionnelle.
Il y a plus de gens étiquetés “autisme” actuellement, personne ne sait où est la vérité là-dedans… La catégorie “Troubles envahissants du développement” s’élargit et d’autres catégories s’appauvrissent au profit de la catégorie “TED”.
Extrait de l’interview de Laurent Mottron de 2015
Les personnes diagnostiquées TSA (Troubles du Spectre Autistique) n’aiment souvent pas les étiquettes. Mais nommer les choses permet de mieux comprendre son fonctionnement personnel et de mieux identifier ses besoins et les satisfaire de façon adaptée, mais aussi ses forces pour les capitaliser. On peut ensuite mieux se défaire de l’étiquette: faisant partie intégrante de son identité, l’être ne se réduit pas pour autant à ce fonctionnement atypique du cerveau; et en même temps, cette particularité peut devenir un atout.
Ce que l’autisme n’est pas !
L’autisme est mal connu et passe souvent pour des troubles de comportement! Beaucoup d’autistes sont en détresse. Or, l’intervention devrait être faite non pas en fonction des critères de diagnostic mais bien à partir des besoins uniques de la personne autiste.
Simon Baron-Cohen parle de “condition autistique”, un terme plus positif que “trouble”, qui rend la personne responsable de sa condition, ce qui est difficile à vivre. Il est préférable, car plus respectueux, de parler de “personne autiste” plutôt que de TSA ou autre. L’autisme est le nom de la condition et TSA le nom du diagnostic.
A contrario, selon Brigitte Harrisson, le terme “neurotypique” aurait été choisi car “moldu” était déjà pris. Le terme “moldu” est tiré de Harry Potter et signifie “non-magique” : personne qui est dépourvue de pouvoirs magiques et qui reste dans l’ignorance de l’existence du monde des sorciers. Personnellement, je suis heureuse d’avoir découvert l’existence de ce nouveau monde!
La majorité des gens restant dans l’ignorance du monde magique de l’autisme, beaucoup de fausses idées circulent et il me paraît important de préciser ce que l’autisme N’EST PAS:
- une maladie: il ny’ a pas de guérison possible;
- un problème de santé mentale, même si on n’exclut pas des comorbidités (troubles associés) car le cerveau se développe différemment;
- un trouble du comportement: ces troubles se développent en chemin, avec l’autisme (ex: un autiste agressif est un autiste agressé);
- un problème de socialisation, même s’il y a un impact sur la socialisation: c’est une conséquence mais pas le fondement de la condition;
- un problème affectif: les autistes s’attachent;
- un trouble émotif, même s’il y a des conséquences sur le repérage des émotions;
- un problème d’intelligence, même si une déficience intellectuelle peut être un trouble associé;
- un problème de l’intégration sensorielle: c’est un cerveau perceptif qui surfonctionne, une particularité de connexions dans le cerveau (réactivités sensorielles);
- un problème de parole: il existe des moyens pour aider les autistes à parler. La plasticité cérébrale est en cause: il faut aider les connexions. Et les étapes de développement sont décalées.
L’autisme invisible
Il existe des profils subtils, demandant une certaine expertise pour être diagnostiqués, qui rentrent dans ce qu’on appelle aujourd’hui “l’autisme invisible”: les manifestations de l’autisme sont alors très difficiles à déceler car elles ne se voient pas.
“Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard de langage même si, contrairement à une autre idée reçue, toutes les personnes ayant ce syndrome ne sont pas surdouées ou fortes en mathématiques.”
Des avenues et des fleurs, Le blog de Dunia Miralles: Mademoiselle Caroline et Julie Dachez: “La différence invisible” en BD
Écrite par Julie Dachez et illustrée par Mademoiselle Caroline, la BD La différence invisible montre, de l’intérieur, comment se sentent les aspies girls, ainsi qu’elles se sont elles-mêmes surnommées.
Les recherches évoluent et les connaissances liées à la fois à l’autisme et aux neurosciences nous permettront peut-être un jour de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau humain dans son ensemble.
La définition du DSM (manuel Diagnostique et Statistique des troubles Mentaux)
La catégorie TED (Troubles Envahissants du Développement) utilisée dans le DSM-4 a été abandonnée dans le DSM-5 au profit de celle de TSA (Troubles du Spectre Autistique). La différence est bien expliquée ici.
Dans le DSM-5, la définition de l’autisme repose sur les points suivants, expliqués clairement ici, avec deux critères principaux (A et B):
- Déficits persistants dans la communication et les interactions sociales
- Modes restreints, répétitifs de comportements, d’intérêts ou d’activités, dont les spécificités sensorielles
- Les symptômes doivent être présents dès les étapes précoces du développement, à savoir dans l’enfance (mais ils ne sont pas nécessairement pleinement manifestes avant que les demandes sociales n’excèdent les capacités limitées de la personne, ou ils peuvent être masqués plus tard dans la vie par des stratégies apprises).
- Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement significatif en termes de fonctionnement actuel, social, scolaire (professionnels ou dans d’autres domaines importants).
Or, le DSM est une source essentielle et néanmoins insuffisante pour permettre de diagnostiquer l’autisme; voici ce que nous dit encore Tony Attwood :
“Les critères du DSM sont toujours en cours d’élaboration.”
“Ce n’est pas la sévérité des symptômes qui est importante, mais les circonstances, les attentes, les mécanismes pour faire face aux situations et les soutiens.”
Le Syndrome d’Asperger – Guide complet, p 53
En effet, ces critères de diagnostic sont basés sur des comportements observables, et pas sur un mode de fonctionnement interne. Celui-ci a été décrit par Brigitte Harrison du centre canadien d’expertise en autisme Saccade (https://saccade.ca/).
L’autisme, un accès différé à soi-même
On naît autiste mais un travail de développement permet à la personne de s’adapter et de développer ses compétences. Il y aurait probablement plusieurs facteurs génétiques, et pas forcément héréditaires, combinés avec des facteurs environnementaux.
Le centre Saccade a développé un modèle de développement intégratif de la littérature existante, à laquelle a été rajouté un accompagnement basé sur les besoins internes et cachés des personnes autistes. Je ne peux que conseiller leur premier module de formation, riche et bien structuré, intitulé “Le fonctionnement interne de la structure de pensée autistique“.
J’en retiens que l’autisme est un trouble neurodéveloppemental ou, comme le définit Brigitte Harrisson, “un accès différé à soi-même”.
La structure de pensée autistique se lit comme des hiéroglyphes égyptiens à assembler (ou des pièces de puzzle) pour arriver à donner à la personne un accès à soi. L’ensemble des hiéroglyphes doit être associé pour que la structure soit lue, que la manifestation autistique soit comprise, plutôt que de lire les comportements un à un.
L’autisme, une intelligence différente avec ses forces et ses lacunes
Les personnes ayant un TSA perçoivent le monde différemment. La notion de différence ne réfère pas ici à une difficulté ou à un manque, mais bien à une façon distincte de penser et d’agir, chacune présentant ses forces et ses lacunes. C’est pourquoi un parallèle entre le fonctionnement des personnes ayant un TSA et celui des personnes neurotypiques est proposé, selon une foule de situations du quotidien. Les caractéristiques et les exemples sont regroupés sous les thèmes suivants **:
- Traitement de l’information
- Centres d’intérêt
- Traitement sensoriel et moteur
- Gestion des émotions
- Communication
- Alimentation
- Relations sociales
- Sommeil
- Anxiété
- Motivation
Bien qu’en général les personnes qui présentent un TSA partagent certains traits communs, leur profil peut varier considérablement en fonction des éléments suivants :
- Le nombre, les types de manifestations et leur degré de gravité (de léger à important);
- L’âge de leur apparition;
- Le niveau de fonctionnement, le sexe de l’individu et l’environnement dans lequel il évolue;
- La présence de conditions associées (épilepsie, retard intellectuel, trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, etc.);
- Le degré de stimulation reçue.
Une façon de distinguer les personnes neurotypiques des personnes autistes est par exemple de voir si “la capacité à reconnaître et à comprendre les pensées, croyances, désirs et intentions des autres personnes” s’est développée “par une analyse intellectuelle, par un apprentissage par cœur et grâce à la mémoire, au lieu d’être immédiate et intuitive”.
Le Syndrome d’Asperger – Guide complet, Tony Attwood, p 125-126
Laurent Mottron et son équipe ont démontré que les écarts vont grandissants entre les profils: on s’éloigne de plus en plus des critères donnés par Leo Kanner dans les années 1940, donc on cherche aujourd’hui à revenir à des critères plus conformes à ce qu’est la définition de l’autisme.
L’autisme est en fait une forme d’intelligence “différente” (cf neurosciences)*:
- entre 4% et 32% de déficience intellectuelle a été observée selon les études, ce qui est une diminution par rapport à l’année 2004, où on disait que 75% des autistes avaient une déficience intellectuelle;
- entre 15 et 25% des autistes (chiffre conservateur) ont une déficience intellectuelle associée;
- il y a une distinction à faire entre “accès à la compréhension” et “maîtrise de la parole”.
Les troubles associés (comorbidités) les plus courants pour les profils*:
- de types autistiques:
- épilepsie
- déficience intellectuelle
- TDA/H
- de types Asperger:
- anxiété
- dépression
- TDA/H
En bref, les connaissances évoluent en continu sur l’autisme, qui est le plus complexe de tous les troubles neuro-développementaux. Il comporte des caractéristiques positives, comme le fait d’être expert dans un domaine particulier. C’est une différence de perception et de traitement de l’information qui a des impacts sur la relation au monde. C’est une forme d’intelligence différente qui gagnerait à être davantage connue pour une société plus inclusive et plus consciente de sa neurodiversité, source de potentiel créatif favorable au développement de l’humanité!
*Chiffres extraits de la formation Saccade: “Le fonctionnement interne de la structure de pensée autistique“
**Informations tirées du Guide TSA 2015